Atlantique, jour 264.

par Mathilde

l faut l’avouer, même si ce monde marin que nous arpentons a gardé sa poésie, les jours passent et se ressemblent un peu. Le temps se précipite au cours de journées où il nous semble que nous ne faisons pas la moitié de ce que nous voudrions mais le décompte des jours se fait au goutte à goutte. Avec les ongles contre les murs de sa cabine pour Véronique.

Nous sentons le poids des sollicitations incessantes de nos sens par un environnement jaloux qui veut accaparer notre attention. Le roulis incessant du bateau, le bruit permanent des vagues qui déferlent en glissant entre les coques. Elles explosent parfois contre notre bord avec fracas, trempant au passage un pont tout juste rincé à l’eau douce et nous obligeant à une répétition un peu absurde de tâches que l’on acomplit en sachant qu’elles seront à recommencer.

Il y a aussi le vent qui souffle et siffle autour de nous, jusqu’à nous rentrer sous la peau, qui fait siffler nos oreilles et les cordages du Zanzibar.

Il a élu domicile dans nos habitudes et on l’entend en creux quand il s’arrête quelques secondes, comme si quelque chose manquait quand on se protège de ses raffales dans l’habitacle.

Alors tout est plus long, demande un peu plus d’énergie et de concentration. On se sent un peu paresseux mais c’est notre corps qui réclamme du sommeil et heureusement nous avons le temps de lui en donner et de vivre à un rythme décalé.

Cela fait aussi parti du plaisir : on mange quand on a faim, on dort quand on est fatigués, sans horaires imposés, synchronisés avec les levers et couchers de soleil.

Au bout d’une douzaine de jours à peine loin de la vie des hommes nous sommes devenus des primitifs de l’océan !

Il y a un peu de frustration à être si proche de lui sans pouvoir le toucher. Nous en grattons à peine la surface, comme des bannis condamnés à vivre dans un monde renversé, à l’air libre alors que tout se passe sous l’eau. Là sont les requins, les montagnes sous marines, les courants et les nuées de planctons brillants. Là peut être gît Atlantide, la cité perdue que nous ne trouverons jamais, car aveugles aux appels des dauphins nous suivons les poissons volants, guides menteurs, qui protègent l’accès de cet endoit mythique.

Il a fallu cacher les bouteilles de plongée de papa pour l’empêcher de tenter des excursions en cachette pendant ses quarts de nuit.

Nous avons quand même pris le plaisir (le risque diront certains) de se baigner un jour de temps calme. Le hasard a voulu que cela soit en plein milieu de l’océan, frisson garanti quand on se jette dans l’eau !

On a à peine le temps de sentir son coeur cogner trois fois que notre main s’agrippe à la ligne de vie et qu’on sent la secousse du bateau qui nous tracte vers l’avant. Loic en profite pour faire une démonstration de sa légendaire élasticité en exécutant divers saltos vrillés tandis que je me contente dignement d’une bombe très réussie . Chacun y va de son plongeon et tout le monde retombe en enfance en attendant son tour pour regarder sous l’eau avec le masque.

On ne voit rien que du bleu traversé par les rayons du soleil mais la sensaion est incroyable. Entre la peur de voir arriver un thon anthropophage, l’espoir de croiser un dauphin qui veut des bisous, la sensation de profondeur qui nous appelle et la carresse puissante de l’eau poussée sur nous par la vitesse, on y passerait des heures …

Il est étrange de prendre conscience de cette ambivalenc de l’eau. Fascinante et attirante depuis la sécurité du bateau mais qui nous noierait dans ses vagues avec indifférence si on avait le malheur d’en être séparés.

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