Traversée – lost in the sea

par Mathilde

Nous habitons maintenant entre deux vagues dans l’océan immense, la coupole du ciel aux lumières changeantes posée au dessus de nos têtes.

C’est toute une géologie mouvante à réinventer chaque jour : l’oeil accroche sur les reliefs des nuages tantôt en troupeaux moutonneux comme égarés et hors d’atteinte, tantôt comme des masses sombres presque pesantes et bizarrement proches.

On ne voit nulle part comme ici leur hauteur quand ils se dressent comme des montagnes enroulées. Le soleil y joue de son pinceau comme pour nous communiquer son humeur : ciel bleu profond et petits nuages blanc pur, ciel délavé et longues trainées de cotons étirées par le vent des hauteurs, ciel clair et au loin un gros champignon gris coiffant un rideau de pluie qui tombera ou pas sur nos voiles…

 

Sans parler des étoiles! Lorsque l’on a qu’elles à regarder ( je ne dis pas cela pour me plaindre) combien de détails qui nous ont échappés deviennent des repères dans notre espace sans limite. Elles sont rouges, vertes, puissantes ou frissonantes, solitaires pour mieux briller sur leur fond d’encre ou solidaires pour mieux l’éclipser.

Certaines sont des planètes déguisées en berger mais malgrès la concentration des savoirs aérospatio-astronomiques sur ce bateau la position de Mars fait toujours débat.

 

Vous l’aurez compris, l’Atlantique ne manque pas de couleurs pour l’oeil avide de se reposer du bleu omniprésent. Encore que pour s’en lasser il faudrait n’en pas percevoir les teintes. Mercure brillant quand le soleil rend l’eau imperméable au regard, au grès des heures les collines aquatiques se font montagnes noires quand la houle augmente. Etrange écho d’un monde où en avancant vers notre but c’est aussi le paysage qui vient vers nous et nous avale dans ses longs mouvements chaloupés.

Il faudrait encore des pages entières pour rendre honneur aux camaieux de roses, de rouge-orangés qui laissent longtemps leur empreinte sur nos pupilles qui n’ont pas voulu se fermer pour les voir jusqu’au bout, jusqu’au sommeil du grand astre.

Et chaque jour recommence, le temps passe au rythme du vent, des réglages à faire dans les voiles, des points météo.

 

Je ne dirai pas au rythme des heures car s’il est un débat houleux (jeux de mot) sur ce frêle esquif c’est celui de l’heure qu’il est.

Sainte véronique dit dans l’évangile : “Il est l’heure qu’il est, au moment et à l’endroit où on est quand le soleil se lève”.

Pour ceux qui n’ont pas étudié la théologie à l’école cela signifie qu’on est un peu perdus.

Il y a l’heure UTC (personne ne sait ce que ça veut dire) qui nous sert de référence pour une raison qui m’échappe car c’est l’heure qu’il est à Londres, mais passons.

Il y a l’heure qu’il était au Cap Vert et que l’on calculait avec des + et des – en fonction de l’heure de la France (télécommunication oblige) : celle qu’on utilisait au départ.

Il y a enfin l’heure des quarts, et on ne rigole pas avec ça, notée sur une feuille quelconque mais qui survit vaillamment depuis 2 mois.

Challenge = Sachant que vous ne savez plus à quel fuseau horaire s’est arrété votre téléphone, mettez un réveil pour votre quart de 1h du matin en gardant à l’esprit que le bateau avance vers l’Ouest et que nous perdons 1 heure et 4 minutes tous les 3,2 jours.

Vous avez 1h!!!

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